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blanche

La revue n° 62 poètes de service

poètes de service

Arnaud Rivière Kéraval

Né en 1972, originaire de Bretagne, j’ai vécu de nombreuses années en Inde et au Népal. Au fil de mes pérégrinations et rencontres, j’ai écrit plusieurs recueils de poèmes. Pendant longtemps j’étais peu enclin à la publication, ne sachant pas surmonter les affres de voir mes textes figés comme dans le marbre. Recevant des échos positifs, je me suis ouvert depuis peu au monde de la poésie, rendant publics mes poèmes dans diverses revues et magazines littéraires comme le site OuPoLi dont j’ai rejoint le comité de lecture récemment.

 

 

LE MOUVEMENT

Etienne, le sang justifie les distances anoblies, il court le long des jetées. Lui appartient le temps de l’arc sauvage, les yeux timides demandent l’ouverture et la découverte, tenues dans les spasmes du présent.

Souffle étrange, pose enfin les nombrils masqués sous le flot des paysages qui défilent. Epaules la vie s’arrête sur le geste latent. Non, le geste s’accomplit, la candeur éprouvée tombe, les traits dessinent les fuseaux, le mouvement joue le corps affranchi. De nobles voies lobées encerclent la frontière dermique, le filet signe la peau miroir qui se courbe.

Vue tentée, l’instant exulte, les tables terrifiantes s’éloignent, le plan chassé joue l’invisible. Reste l’éclair du corps superbe, le mouvement trempe la beauté maintenant. Le sang la tête l’étreignent, suivre la mort n’aura pas lieu.

 

 

 

LE PASSANT

Suis-moi. Arrête-toi. Ruelle escarpée descendante. Orchestre symphonique. Actes synchrones. Nuit, nuit, nuit. Lumières.

Tu es beau sur ta main voyageuse. Elle navigue de large en large, au flanc des rayures. Un, deux. Aux bords de l’heure, le temps, tu te dois de rentrer. Mais tu me suis. Les pavés boiteux, les poussières. Tu me quittes déjà. Mon chemin sent la direction des secrets, les surpris damnés de la reconversion. Toi c’est par là. Canal, promenade et disparaître. Au revoir.

 

 

 

L’APPARITION

Le temps de vivre court un esprit ravageur

la plage, une ville reconstituée

l’élite se confond devant la beauté de l’apparition

Il vient ? il vient

l’eau sur lui réveille les limbes des alentours

le torse brun déployant le ferme épiderme

comme autant de filets abondants

le lungi noué autour des hanches

que dessine l’ondoiement du remous

il avancera toujours dans la chaleur de l’aube

La plage lui offre une écorce de sable

et m’emporte

la mer affranchit la chair, l’eau trouble désir

je ne pense plus aux coquillages

Au-delà les parfums mélangés

 

 

 

 

UNE ÎLE

L’héritage des pêcheurs et la lande

les roches la mer et les cendres

Arrimer une île hésitante

là le chemin bleu sur les reliefs serpente

hydre de la vue les vérités suspendues

ma peau le souffle le grain se fondent

suivre et errer dans le monde

Vertige du promontoire j’en devine la fin

l’échappée des récifs et les bateaux en vain

embrasseront l’asile vague perdue

 

 

 

 

DE L’ISOLEMENT DES MONDES

Le soleil envoûte les lueurs d’une faune endormie

se réveillera dans l’obscurité d’une cave aventure

d’où musiques virevoltent, en alvéoles s’étirent

comme la folie débusquée agite la toile des tambours

Rythmes caduques, ventres impatients de se toucher

de l’isolement des mondes

je déploie les forces de la renommée

faufilant silhouettes et parures

À la dérobée toujours se peignent nos désirs

de l’isolement des mondes

je continuerai le vertige cheminement d’un visage

qui me mène, me poursuit dans le froid d’une chambre vide

Vide sous l’écorce des soupirs et tout est à remodeler

de l’isolement des mondes

les vitres se sont fendues

la maison en fuite n’a conquis ni le diamètre ni l’opposé

Ouverture placide et manque de faillir

je retournerai dans la cave monstre, la faune hypocrite

la sueur, les fumées, de ces temps décharnés

me soûleront encore