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La revue n° 56 Bureau de traduction

Bureau de traduction

For Ira Cohen

In the spectral deserts

where gold fish swim

and dark mesas

tear glittering spines

from whirling white clouds

I bend low over your sleeping face

which is just another dune

strapped to the shell of a tortoise

that lunges out across time

to drink the salt

of ancient oceans

 

one faint insect

scatters its seed

and there –

as in the last fitful convulsions

of childbirth –

our dreams dream us

dreaming them

 

-- and we dance in a dreamless

dream of dreaming

 

endless dunes

and shattered cries --

 

in the spectral deserts

where gold fish swim

 

 

Pour Ira Cohen

Dans les déserts spectraux

où nagent des poissons dorés

et les sombres mesas

qui déchirent les épines scintillantes

des tourbillons de blancs nuages

je me penche sur ton visage endormi

qui est juste une autre dune

attachée à la carapace d’une tortue

surgie à travers temps

pour boire le sel

des anciens océans

 

un faible insecte

disperse sa graine

et là –

comme dans les derniers accès de convulsions

de l’accouchement

nos rêves nous rêvent

les rêvant

 

-- et nous dansons

dans un rêve

sans rêve de rêver

 

dunes sans fin

et cris brisés –

 

dans les déserts spectraux

où nagent des poissons dorés

Allan Graubard
Traduction de Gilles&John

 

For Butch Morris

If we don’t know where we are, neither do they…

A slow, somber landscape of echoes and fabrications…

And from the other side of silence…

An audible grief lashes out like a dismembered arm searching for its body…

Madrid, five years before…

Cure me, come closer…

We fall upright, livid, like great promises, precious moments…

Caryatids, gargoyles…

Nightmares wear harlequin costumes…

They roll across the dirt with the ease of hurricanes whirling out from miniature duels…

Because hairdos like morning webs burn each other up…

A faceless phantom that puts on your face…

And in the distance a Viennese opera vaulted into stillness, an 18th-century mesmerist

     perfectly oriental…

 

A lone bell…

     ….and the slow disenchantment…

The great pedant ticking of the sea’s heart…

     …a lone bell…

 

…shh! There’s a harp in labor as only harps know how, with cymbals for nurses and delicate springs flowering on each and every image…

 

 

Pour Butch Morris

Si nous ne savons pas où nous sommes, eux non plus…

Un lent, sombre paysage d’échos et de fabrications…

Et du silence de l’autre côté…

Un chagrin audible qui s’allonge comme un bras démembré en quête de corps…

Madrid, cinq ans auparavant…

Guéris-moi, approche-toi…

Nous tombons, debout, comme les grandes promesses, les moments précieux…

Cariatides, gargouilles…

Les cauchemars sont en costumes arlequins…

Ils roulent au sol avec la facilité des ouragans sortant en tourbillons de duels miniatures…

Parce que des coiffes se brûlent entre elles comme les toiles matinales…

Un fantôme sans visage qui se met sur votre visage…

Dans le lointain un opéra viennois voûté dans le silence, un magnétiseur du 18e siècle parfaitement oriental…

 

Cloche solitaire…

     …. Et le lent désenchantement…

Le grand battement pédant du cœur de la mer…

     … cloche solitaire…

 

Chut ! Il y a une harpe en gésine comme seules les harpes savent faire, avec des cymbales pour les infirmières et des ressorts délicats fleurissant sur chaque image ...

Allan Graubard
Traduction de Gilles&John

 

For Mario Cesariny

Now we put down our words

and take off our clothes

and roll up our skin

    from the toes to the top of the head

and scatter our bones

among the living and the dead

 

until a vast and penetrating silence

a still burning point

in spectral night

an empty voluptuous alien frenzy

a storm of eyes and hope

explodes implodes careens and caresses

 

fugitive phantom

    speckled with quick auroral prints

paw prints hand prints hoof prints

    web prints womb prints

    white and green and blue prints

that root tenaciously

beneath us

 

    for we have returned

    from each angle

    in this rotating wind from nowhere –

 

this heat

from which

bones flesh clothes and words

             are born

to us

       again

 

 

Pour Mario Cesariny

Maintenant nous posons nos mots

nous ôtons nos vêtements

et retroussons notre peau

    des orteils au sommet de la tête

et dispersons nos os

parmi les vivants et les morts

 

jusqu’au vaste et pénétrant silence

un point encore brûlant

dans la nuit spectrale

une vide voluptueuse inouïe frénésie

une tempête d’yeux et d’espoirs

explose implose caresses et carènes

fantôme fugitif

    parsemé d’impressions aurorales rapides

 

empreintes de pattes empreintes de mains empreintes de sabots

     impressions sur toile impressions d’utérus

     imprimés blancs verts et bleus

cette racine tenace

en-dessous de nous

 

     car nous sommes revenus

     de chaque angle

     dans ce vent tournant de nulle part

 

cette chaleur

de laquelle

os chair habits et mots

         sont nés

en nous

         de nouveau

Allan Graubard
Traduction de Gilles&John

 

For Enrique Molina

I dream the dream that death will wake in me

this love of life of love and living

an insatiable cricket that saws away under the moon

 

and what about the bloody cloud tinged with vomit

the hollow thud of a crow’s wing beat

when stars drip down into the iron haze

     that sweats along an empty street

all those inimical burned settees

crinkled black by sudden explosions of edelweiss

     on a screen stroked with algae

that corner under a busted street lamp

where once enraged we cut each other’s

clothes to shreds of manic laughter

the first key to the underground passage between salt crests

your hand on my thigh like an exhausted volcanic scythe

     polished with diamond dust

an effigy or two

to mark the coronation of Tango illusionists

and all those grappling hook walls

that spun amnesiac and cruel

rapacious and vituperative

salacious and omniscient

with the heat of a thousand intimate fires

we will never get enough of

together and apart

 

 

Pour Enrique Molina

Je rêve le rêve que la mort va s’éveiller en moi

cet amour de la vie d’amour et de vie

grillon insatiable qui racle sous la lune

 

et que dire du nuage sanglant teinté de vomi

du bruit sourd d’un battement d’aile de corbeau

quand les étoiles coulent dans la brume de fer

     qui transpire dans une rue vide

de tous ceux-là hostiles canapés brûlés

noir émietté par de soudaines explosions d’edelweiss

     sur un écran caressé d’algues`

de ce coin sous un réverbère cassé

où une fois nous coupions l’un l’autre avec rage

nos vêtements en lambeaux d’un rire maniaque

première clef du passage souterrain entre des croûtes de sel

ta main sur ma cuisse comme une faux volcanique épuisée

     polie avec de la poussière de diamant

d’une effigie ou deux

pour marquer le couronnement des illusionnistes du tango

et de tous ces murs de grappins

qui filaient amnésiques et cruels

rapaces et vitupérant

salaces et omniscients

avec la chaleur de mille feux intimes

nous n’en aurons jamais assez

ensemble ou séparés

Allan Graubard
Traduction de Gilles&John