La
page
blanche

La revue n° 55 Séquences

Séquences

Patrick Hellin

Je n’ai rien de particulier à dire sur mon propre compte, n’ayant de toute façon jamais rien publié. J’écris depuis plusieurs années et je travaille, en Belgique, dans l’enseignement professionnel. Je suis âgé de 63 ans. Déjà au bord du vide. Comme à vingt ans. Le poème est effectivement pour moi une page blanche pour la vie, celle qui échappe aux heures, qui se refuse au jour..

Le Désert

I

On ne dit jamais assez

la limpidité du désert

Rien ne s’exclut

de son silence

Rien ne bouge

de sa nuit

 

 

II

Certains déserts arrêtent les pas

Le vide est un labyrinthe

un corps trop vaste

Trop de chemins

empêchent de prendre la mer

 

 

III

Le Désert tient à son obscurité

la transparence est son leurre

La transhumance des mirages

bivouaque dans d’obscures caravanes

sous la crête des dunes

 

 

IV

Entre les déserts

d’autres rivages

d’autres déserts

Les mots n’ont pas cours

dans les lits à sec

 

 

V

Le Désert ignore l’art des bordures

Les limites n’y légifèrent pas

Les convictions s’inquiètent

de cet espace indéfini

 

De cette absence de clôture

l’aube chevauche le crépuscule

L’ombre nait au ventre de lumière

Le silence est ici parole

 

VI

S’astreindre au Désert

au supplice de l’épure

comme un souffle clair

qui monte jusqu’à soi

comme un sang chaud

où chantent les plaies

 

Consentir aux gestes de sable

 

 

VII

Le désert s’étonne du temps

de son intransigeance à être

de son impassible maturité

En lui il n’est pourtant que mirage

 

Docile rêverie du désert

source de l’inexistence

 

 

VIII

Tout s’y montre

Tout s’y cache

 

Dans cette nudité ordinaire

les ombres possèdent la complexité des échos

le silence, des ourlets de lumière

 

On se sent exclu de cette complication

de ce paradoxe de sable.

 

 

IX

Dans cette translucidité pure

tout se dit dans l’obscur

Chaque grain est un crime

Chaque grain, une faute

 

L’insoluble blessure fleurit dans les sables

 

Patrick Hellin