La
page
blanche

La revue n° 55 Séquences

Séquences

Pierre Lamarque

QUESTIONS

QUOI ?

Curiosité personnelle, collectionnisme électif, invention de la connaissance
ou vocation de l’activité. N’ayez pas peur, Monsieur est si bon.

POURQUOI ?

Pour suspendre en un affairement jubilatoire mon attitude plus ou moins penchée
et ramener pour le fixer un aspect instantané de l’image. Quelques secondes après j’étais dehors.

À QUI ?

Au fantôme du souvenir, au témoin de la solitude, à la statue du devoir, au messager du destin. Quand je m’éveille ma bouche est ouverte.

COMMENT ?

Par la folie, par la capture du sujet dans la situation (formule générale de la folie, celle qui gît au fond des asiles comme celle qui assourdit la terre de son bruit et de sa fureur). Sous le porche, il y a un tapis humide.

À QUOI BON ?

Tu es cela, le chiffre, mais à quoi bon t’emmener à ce moment où commence le véritable voyage, attends.

OÙ ?

Castration, éviration, mutilation, démembrement, dislocation, éventrement, dévoration, éclatement, arracher la tête, crever le ventre, démantibuler. Je sais que les consommations sont très coûteuses dans ces endroits. Néanmoins je commande une bouteille de vin.

QUI ?

Un tramway vide arrive, il est lavé de la nuit, les lumières qui l’éclairent ont la tristesse de celles qu’on oublie d’éteindre avant de s’endormir. Je m’assois dans un coin.

QUAND ?

Quand l’esclave s’identifie au despote, l’acteur au spectateur, séducteur à séduit. Oui, au-revoir, à un de ces jours.

LOCUTEUSE ?

Nous empruntons le terme locuteuse au cher Patrice Parthenay qui tant dans les indications qu’il donne pour la venue au jour de notre poème en prose que pour celles qui le guident dans les ténèbres, montre une divination que nous ne pouvons rapporter qu’à son exercice de la sémantique.

FIN ?

La vérité conjecture, la parole pleine, le peu de liberté, le temps pour comprendre, le moment de conclure. Chair composée de soleils.

BUTŌ
à ma fille Annelaure

CET IDIOT LA DANSE

Le réel ce serait les formes comme elles apparaissent côte à côte. Sans forme pas de réel. La réalité ce serait une fabrication. Je me laisse traverser par un élan. Être vu, se laisser voir, regarder. Laisser venir les micros mouvements. De l’immobilité apparente faire paraître la vie. Être vivant. Accepter de vivre avec un corps à la fois savant et absolument incertain ou mystérieux.

 

GENÈSE DE LA DANSE

Relation mystérieuse animé/inanimé, genèse de la danse. Le corps n’est plus. Le corps n’est plus qu’un cheminement entre vie et mort qui s’ouvre aux imprévus, aux impensés. C’est l’intégration de la mort au sein de la vie. Autour de cela un rituel. C’est juste au moment de la perte que l’insolite se produit.

 

À LA MANIÈRE DE KO MUROBUSHI

Expirer, suspendre, expirer, inspirer, suspendre, inspirer. Extrême niveau de vigilance. Enroulement du corps dans la respiration. Accès au dansé.

 

LA CONCENTRATION DE KO MUROBUSHI

C’est un élément primordial de la pratique. La concentration donne accès à la perception du changement et de la multiplicité. Elle ouvre aussi à l’expérience de l’unification du corps. Par exemple l’expérience du danger et de la façon globale et immédiate dont nous réagissons par réflexe de survie. Jeter son corps sans retenue. Il accepte de vivre. Il accepte de ne pas savoir.

 

EXERCICE POUR DONNER ACCÈS AUX STAGIAIRES

Exercice pour donner accès à ce monde de variations et d’impermanence. Mise en pratique de la fragmentation du corps et des changements qui le constituent. Incarner un bras et une jambe qui ont mille ans pendant que le reste du corps vit ses trente ans. Sentir la moitié du corps devenir bois pendant que l’autre devient vapeur. L’imaginaire peut prendre le relai et permettre d’ouvrir la perception petit à petit.

 

SURI-HASHI

Les pas se font très lentement au début, l’utilisation des bords externes des pieds est très importante, l’attention doit être portée sur la continuité du mouvement et sur le plan arrière du corps. En avant !

Pierre Lamarque