Ceux qui vous prennent au mot veulent vous ligoter dans vos propres paroles. «Tu as dit telle chose, tu ne peux plus te dédire ! » semblent-ils insinuer dans leur langue insidieuse – puisque eux-mêmes prennent garde de ne jamais tenir les propos engageants où vous vous fourvoyez. Avec eux, aucun mot ne saurait s’envoler doucement, légèrement dans l’atmosphère subtile. À leur contact, ce n'est plus qu'un pétrin qui vous sort de la bouche et toute votre salive se change en glu épaisse qui vous maintient au sol. Ce n'est pas, cependant, que vous fuyiez le poids d’une phrase bien lancée si vous la voulez telle et si elle chante assez. Mais la plupart des mots ont besoin d’oxygène, de rebond et d’envol et non pas

qu’on les laisse croupir dans un trou mémoriel où ils se chargent d’effluves moisis et d’un goût de vieux clou. Ceux qui vous prennent au mot vous demandent à la fin pourquoi vous ne souhaitez plus rien leur dire de neuf. « Pourquoi ? Ah ! Mais pourquoi ce mutisme obstiné ? » s’étonnent-ils sans cesse. Vous regardez les nuages qui sont moins libres que vous, malgré les apparences. Vos phrases désormais seront comme ces nuages : en attente de vent, en attente de pluie, en

attente d’orage pour absorber l’éclat des silences en surplomb.

Marie-Anne Bruch

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Une terre rude est déséquilibrée tout comme un danseur a besoin d’équilibre avec le déséquilibre pour tourner, se déplacer dans la danse c’est perdre son âme, devenir la danse d’une flamme. Il n’y a pas d’humain, il n’y a pas de grande planète bleue. Il n’y a pas de mort, seulement nous mourons quand nous dansons et quand nous avons fini le cosmos dort, les étoiles meurent, nous attendent.

Andrew Nightingale

Le vers nu

Le vers nu, appelé le po par Pierre Lamarque de la Page Blanche, est un vers unique, seul rescapé de l’époque de la poésie en vers. De nos jours

pour parler de l'écriture de poésie, pour l’exprimer, on n'emploie plus 

le mots vers, on parle de groupe de mots. En poésie on n’écrit plus en vers mais en prose, une prose particulièrement agencée, appelée transprose, et caractérisée par le fait que les mots ou les groupes de mots sont séparés sur la page par des espaces blancs, entre lesquels circulent des troupeaux de mots, ou notre vers solitaire, notre vers nu, le po 

Isabelle H