Le dépôt
Extraits du recueil La sauvagerie du feu
OZANAM
rue Ozanam
la rue Ozanam
sur la rue Ozanam
il y a l’essor des soleils stridents perdus d’Atlantide tout près de ta beauté remarquable
les herbes salées de la toundra jetées en pâture dans le feu de tes yeux rivés
en pâmoison l’esprit de mes désirs lustrés couché près de toi dans le lit du soir d’été
au-dessus la proie chaotique d’un rêve interminable surgi des profondeurs canadiennes
des formes sans essence sans cesse inspirées de la ville toujours en construction
d’innombrables âmes qui vivent en errance le temps d’une pluie ou d’une neige légère
du bleu du jaune comme si le ciel tout entier était en feu juste pour nous
les vestiges de l’Émérillon enfouis au fond d’une rivière ancienne nommée Lairet
toutes ces empreintes de pas foulés au gré des humeurs des voyageurs d’un jour ou l’autre
des chats solitaires probablement des réincarnations de moines bouddhistes ou de jeunes cowboys
plusieurs machines dévorantes ridicules
un enfilement d’heures de toutes lumières sons et odeurs divers
des appels à l’aide sans échos passant au-dessus des arbres argentés des parcs verts
une bestiole à l’agonie sur le trottoir jonché de détritus made in China
mon visage exténué devant les caprices du vent qui se joue de ma chevelure trop longue
les crissements des souliers italiens sur le bitume chauffé à bloc
le vrombissement des voitures sports sans utilité aucune et d’une horreur indicible
des mots doux chuchotés dans le pavillon de ton oreille tendre et mordillée
des passants pressés filant à l’anglaise sous les lueurs jaunes des lampadaires
la rumeur insistante d’une tempête du siècle qui ne viendra finalement jamais
un parapluie perdu ou oublié sur un banc sous un abri d’autobus
un type qui gueule en plein délire sous l’emprise d’une drogue quelconque
les cliquetis métalliques des bicyclettes qui dévalent les pentes sans égards du danger potentiel
le vol des oiseaux dont les présages invisibles nous préviennent de notre sort à venir
des rencontres amoureuses de bonnes augures pour certains des générations suivantes
des drames insoupçonnés dissimulés dans les crânes de leurs acteurs éventuels
des constellations situées à des centaines voire des milliers d’années-lumière de toi et moi
des poèmes en formation dans l’hémisphère droit de ma tête dure
des solliciteurs en tous genres souvent désabusés d’eux-mêmes et du monde entier
des chiens en laisse prisonniers de leur maître envers qui ils demeurent fidèle coûte que coûte
des relents d’outre-tombe d’une époque disparue qui ne reviendra pas de si tôt
une panoplie de boutiques de part et d’autre pleines à craquer de marchandises obsolètes
un animal blessé que tout le monde ignore volontairement parce qu’il est différent
des motos roulant sur une roue pour se donner en spectacle devant des badauds ahuris
des feux d’artifice au loin tard le soir pour épater la galerie et égayer le quartier tout entier
le brouhaha de chicanes de voisinages et les bruits des draps qui claquent au vent sur les cordes à linge
un sirène de police retentissante en plein jour pour annoncer la commission d’un crime quelque part
un nuage passager seul dans le ciel bleu azur comme une tache de crème Chantilly
la tombée du jour comme une brume noire se déposant sur les immeubles et les commerces
des touristes égarés éloignés du centre-ville et cherchant leur route pour de nouveaux lieux à visiter
moi au pas de course m’en allant te rejoindre pour une sortie en amoureux
toi sortant de chez moi pour retourner à ton appartement au petit matin
un itinérant déambulant dans ses frusques sales en attente d’aumônes salvateurs
un arc-en-ciel inopinée après une faible pluie là juste au-devant de nous au bout de cette rue
août 2025
ne le vois-tu pas que
les chansons de nos esprits tapageurs
les clairons sourds de nos détresses abstruses
les fragrances épicées de nos abjurations rustres
l’humidité âcre de nos contentieux abjects
l’aridité poussiéreuse de nos linéaments défaits
l’influence nauséabonde de nos prémices suspendues
la coloration inopinée de nos entêtements anxiogènes
la chaleur vinaigrée de nos intuitions malsaines
le velouté de nos ambitions déçues et mortes
les saveurs amères de notre ferveur contagieuse même
se mêlent aux enzymes du soir
---
tes jambes croisées au-dessus du fauteuil
tâtent le ciel de velours alizarin
combien plat
tes yeux posés sur ma joue
lustrée par les chuchotements chauds de tes rêves
[multicolores
tandis que belle
je te médite
beaucoup trop ému
---
je n’y vois rien
l’obscurité foisonne au sein de ta quiétude
l’immensité de mon reflet adjacent
déraille
se déplace par une reptation ambiguë
coule longue au sol
hé oui
---
les pluies bruyantes de l’aube
ne glapiront plus les soudaines discordes
n’étancheront pas d’éventuels embrouillaminis
plutôt elles diront
toute cette soif de nous
combleront l’espace qui nous agite
nous entortilleront
d’adieux
---
nos misères sont de chocolat
blanc nos espoirs
d’or fin
ensemble nous sommes précieux et bons
l’un pour l’autre
naufragés sur le même canapé
en pleine merde
autour de nous les arômes du café
noir flottent
le soleil resplendit de cette coulée de vitamines
entre par les hublots de nos visages circonscrits
caresse nos peaux de chagrin
pendant que tu petit déjeunes
et que je te guette debout
repu
septembre 2025
Extraits de Salon d'Alcôves