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C'est ton duomo que tu donnes
à voir
en premier
l'art des belles choses
la rondeur de la terre et cette croix qui perce le ciel
vers l'autre
Ciel
les parements délicats de sa façade céleste
de la bonne maniera
du lisse
du délicat un édifice qu'on expose
que tu as explosé aussi
parfois
démoli les pierres de trop
celles trop lourdes qui font tâche
d'encombrants restes dont tu ne voulais plus
pour ensuite les refaire
à ta façon
ton style nouveau
un temple qui assume aujourd'hui ces histoires mêlées
une belle carte postale de toi
ce dôme et ce ciel bleu derrière
forcément
faire envie
faire bonne figure aussi
surtout
bien se tenir à table et dire merci sans rechigner
Mais au-delà des bords blancs
derrière l'image courtoise
après l'été
les touristes d'un jour
d'une semaine
d'une année
savent-ils les autres quartiers
les cinquante rues de ta ville ?
Non
bien-sûr
toi-même tu n'en sais pas
tous les recoins toutes les impasses
les projets inaboutis
les chantiers délaissés
les fondations perdues de ne pas y avoir assez cru
Tu connais par contre
cette envie fatiguée
qui sourit sur la photo mais qui perd déjà ses couleurs
effacée par l'ennui
finir les restes dans le frigo
Parfois aussi tu te perds
dans des impasses sans éclairage
des labyrinthes aveugles
où tu te cognes contre toi-même comme une mouche sur une vitre
Tu les sais également
les rues sales les coins sombres
loin des boutiques lumineuses des vitrines du commerce monde
à quelques crachats des zoos pavillonnaires
et de l'exil aérien des expulsés de demain
oui
tu t'y faufiles
dans ces dédales abjectes parfois
où ça pue la pisse la merde la gerbe
toutes ces envies qu'on ne retient plus
et qu'on déverse
fous d'échapper
aux panneaux d'interdiction de laisser un reste de soi par terre
une odeur
sale
traumatiser l'image souiller
le territoire
la brochure la carte obsolète
Ça y sent aussi le sperme
le désir de corps de peau
le besoin de conjurer le froid de la pierre éternelle
par la douceur duveteuse
la chaleur fraîche
la mollesse ferme
d'un sein d'un cul d'une cuisse
d'une main qu'on prend pour se pendre
et bander une dernière fois
redevenir animal pour mieux se sauver du péché.
Et puis il y a cette friche
où se plaisent l'herbe folle
le coquelicot fragile
la ronce généreuse qui offre ses mûres pour s'excuser de griffer les jambes nues de l'été
et les brigades invisibles d'insectes comme des cellules vivaces
dont l'agitation fertile
entretient l'abandon
le laissé pour rien l'inutile nécessaire
ces espaces minuscules où se rejoue chaque jour
chaque nuit
cet instant mystérieux
où un hasard miraculeux dérangea cogna le silence pour y faire naître le premier cri
Tu es une ville
avec ses ruines
ses projets de construction
ses monuments à restaurer
entretenir
rebâtir
et ses zones habitables
ses aires pavillonnaires
comme ses rues commerçantes
qui s'étendent en rhizome au grés de tes générations
Et puis il y a cette friche
où se plait l'herbe folle
le coquelicot fragile
ces nations invisibles d'insectes à l'agitation fertile
ces espaces minuscules
où se rejouent chaque jour les balbutiements de la vie